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Portrait du mois - juin 20225
2025-06-10 14:43:25
Célia Peetermans a d’abord été institutrice primaire pendant quatre ans avant d’entamer un master en Sciences de l’Éducation à l’ULB. Elle a choisi Schola ULB comme lieu de stage où elle a mené une enquête qualitative autour de la thématique « Les effets du tutorat sur les parcours professionnels ». Elle a accepté de nous faire un retour d’expérience en tant que stagiaire au sein de notre ASBL ainsi que de nous partager les résultats qui ont émergés à travers son étude. Voici son interview :
■ Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?
Célia : « J’ai enseigné pendant quatre ans comme institutrice primaire, principalement en première et en sixième. Ces premières années sur le terrain m’ont beaucoup appris, sur le métier, sur l’école, et sur moi aussi. Après cette expérience, j’ai ressenti le besoin de me former davantage et de prendre un peu de recul quant à ma pratique en classe. J’ai donc entamé un master en Sciences de l’Éducation, que je termine cette année. Ce parcours m’a donné la possibilité de faire des allers-retours entre théorie et pratique, de découvrir d’autres métiers liés à la pédagogie, et d’approfondir ma réflexion sur les enjeux éducatifs qui me tiennent à cœur. »
■ Dans le cadre de ton master en Sciences de l’Éducation à l’ULB, tu as réalisé ton stage au sein de Schola ULB. Comment as-tu découvert notre ASBL, et qu’est-ce qui t’a donné envie d’y consacrer tes heures de stage ?
Célia : « J’ai découvert Schola ULB grâce à une amie de mon master qui m’en a parlé avec beaucoup d’enthousiasme. Par curiosité, je suis allée voir le site internet, et j’ai été accrochée par le projet. L’idée de mettre en relation des étudiants de l’enseignement supérieur en tant que tuteurs pour accompagner des élèves du primaire ou du secondaire m’a semblé géniale. Ce qui m’a aussi beaucoup parlé, c’est la volonté de Schola ULB de lutter contre les inégalités scolaires en proposant un accompagnement gratuit à des élèves qui en ont vraiment besoin »
■ Maintenant qu’il est derrière toi, en quoi trouves-tu que faire un stage chez Schola ULB est pertinent dans le cadre de ton master, et qu’est-ce que tu en retires personnellement ?
Célia : « Faire un stage chez Schola ULB avait vraiment du sens dans le cadre de mon master. C’est un projet avec de vraies valeurs éducatives et sociales, qui résonnent avec plusieurs des thématiques qu’on aborde en sciences de l’éducation.
Personnellement, ça m’a permis de prendre du recul et de réfléchir à l’impact que peuvent avoir des initiatives comme celle-là, à la fois sur les élèves accompagnés et sur les jeunes tuteurs qui s’engagent. Ça m’a aussi donné l’occasion de progresser sur le plan méthodologique. En menant une enquête qualitative, j’ai découvert que j’aimais vraiment ce type de recherche, et que ça pourrait me donner envie, un jour, de creuser davantage cette voie.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est que Schola ULB est un lieu où on se sent vite impliqué(e), où les missions sont concrètes et où on a vraiment l’impression de contribuer à quelque chose d’utile. C’est un cadre qui est bienveillant, stimulant, mais aussi ancré dans la réalité du terrain. Si on s’intéresse aux questions d’égalité des chances, d’éducation, ou d’engagement citoyen, c’est clairement une belle opportunité. »
■ Au cours de celui-ci, tu as mené une étude qualitative sur l’impact du Programme Tutorat sur les parcours professionnels de certain·e·s alumni de Schola ULB. En quoi as-tu trouvé cette thématique intéressante pour l’ASBL ?
Célia : « Cette recherche m’a permis de réfléchir à l’impact que peuvent avoir des initiatives comme celle-là sur le parcours des jeunes, en particulier ici les étudiants-tuteurs qui s’y engagent. En interrogeant d’anciens tuteurs et tutrices, j’ai pu comprendre comment cette expérience avait influencé leur trajectoire : pour certain(e)s, elle a conforté une orientation déjà envisagée dans le domaine pédagogique, didactique ou éducatif. Pour d’autres, elle a même ouvert de nouvelles pistes, les amenant ensuite vers ces métiers. Le tutorat leur a également permis de développer des compétences variées, utiles dans le monde professionnel.
J’ai trouvé cette thématique à la fois intéressante et pertinente pour Schola ULB, car elle met en avant un aspect du programme dont on parle peut-être un peu moins : l’effet que peut avoir le tutorat sur les tuteurs eux-mêmes. L’impact sur les élèves accompagnés est évidemment central, mais il me semblait important de s’arrêter aussi sur ce que cette expérience peut apporter à ceux qui s’engagent. Ça permet de mieux comprendre en quoi cette expérience peut marquer un parcours d’études ou un projet professionnel. »
■ Qu’est-ce qui t’a le plus marquée au cours des interviews que tu as menées, et quel a été le plus gros challenge que tu as rencontré ?
Célia : « Beaucoup ont exprimé une vraie reconnaissance envers Schola ULB. J’ai senti à quel point cette période avait compté pour eux, même plusieurs années après. Certains racontaient avec beaucoup de précision ce qu’ils avaient appris, ce que ça avait changé dans leur manière de voir l’enseignement ou l’accompagnement, parfois même dans leur rapport à eux-mêmes. Je ne m’attendais pas à ce que les souvenirs soient aussi vivants.
Un ancien tuteur, par exemple, m’a raconté qu’il avait été repéré dans l’école où il faisait du tutorat, et qu’on lui avait ensuite proposé de suivre une formation pour, à terme, obtenir un poste dans cette même école partenaire. Il ne se voyait pas forcément devenir enseignant au départ, mais cette expérience lui a offert une perspective à laquelle il n’avait pas pensée.
Le plus gros défi, je dirais que ça a été de maîtriser la posture de chercheuse. J’avais envie que les personnes se sentent à l’aise et libres dans leurs réponses, mais en même temps je devais garder un fil conducteur, relancer quand il le fallait, et surtout ne pas projeter mes propres idées ou attentes. »
■ Au vu des résultats de ton enquête, quel impact le projet a-t-il sur l’employabilité des étudiants interrogés qui s’y sont engagés en tant que volontaires ?
Célia : « Le tutorat leur a permis de développer des compétences pédagogiques, relationnelles, parfois organisationnelles, qui leur ont été utiles par la suite, que ce soit lors de candidatures ou à l’entrée dans la vie professionnelle.
Certains ont raconté que le fait d’avoir été tuteur ou tutrice avait été bien vu sur leur CV ou en entretien, surtout pour des postes liés à l’enseignement, à l’animation ou au secteur social. D’autres ont expliqué que ça leur avait donné plus d’aisance face à un groupe, qu’ils se sentaient plus confiants dans leur capacité à transmettre, à gérer des situations parfois un peu délicates.
Au fil des entretiens, j’ai eu le sentiment que cette expérience les avait aidés à se sentir plus légitimes, plus prêts, et les avait aidé à confirmer une orientation professionnelle qu’ils avaient déjà en tête. Certains ont même découvert une orientation qu’ils n’avaient pas envisagée au départ. »
■ En quoi cette expérience de terrain favorise-t-elle les choix de carrière vers les métiers de l’enseignement ou du socio-éducatif ? Selon ton enquête, est-elle un réel atout pour s’outiller et développer des compétences transversales ? Pourquoi ?
Célia : « Pour certains anciens tuteurs, ça a confirmé une vocation qu’ils avaient déjà dans le champ de l’éducation. Pour d’autres, ça a ouvert une nouvelle piste pro à laquelle ils n’avaient pas forcément pensé avant. Plusieurs ont raconté que le fait de se retrouver face à un élève, dans une posture d’accompagnement, les avait aidés à mieux se projeter dans leur futur métier, que ce soit dans l’enseignement, la logopédie, ou le secteur social.
Même si l’expérience a lieu en dehors du cadre habituel de la classe, elle rend les choses très concrètes. Elle permet d’être confronté aux inégalités scolaires, à la diversité des élèves, et à ce que ça implique d’accompagner quelqu’un dans ses apprentissages, surtout quand il ou elle est en difficulté.
Les tuteurs et tutrices y développent plein de compétences transversales : écouter, faire preuve de patience, trouver des idées pédagogiques, gérer leur temps, s’adapter à des situations imprévues… Et tout ça, c’est utile bien au-delà du tutorat, dans d’autres contextes pros aussi. »
■ D’après toi, en quoi serait-il intéressant qu’un partenariat académique entre notre ASBL et les filières didactiques des universités et hautes écoles soit réellement implémenté en complément du cursus existant ?
Célia : « Le tutorat, ça pourrait être un premier vrai contact avec des élèves, dans un cadre un peu différent, puisque les jeunes accompagnés sont justement en difficulté. Ce serait un bon complément aux stages classiques, surtout en première année de bac pour celles et ceux qui se dirigent vers l’enseignement, où les expériences de terrain sont souvent assez limitées.
Sans être un stage évalué, on pourrait le penser comme un vrai moment d’apprentissage, centré sur l’observation, la posture, l’expérimentation. Ce serait une manière pour les futurs enseignants de mieux comprendre ce que ça implique, concrètement, d’accompagner un élève en difficulté, de prendre la mesure des inégalités scolaires, et de commencer à développer des compétences transversales dès le début de leur formation. »
■ En quoi est-il important de mettre en place des actions pour soutenir et valoriser l’engagement de terrain des étudiant·e·s-tuteurs de Schola ULB ? Sous quelle forme cette valorisation pourrait-elle, selon toi, se traduire ?
Célia : « Je pense que c’est important, parce que cet engagement apporte quelque chose de complémentaire au parcours des étudiants, surtout ceux qui se dirigent vers les métiers de l’enseignement ou de l’éducation. Ce n’est pas une immersion classique dans une classe, comme lors des stages, mais c’est une autre forme d’expérience de terrain, avec ses propres apprentissages. On y développe des compétences transversales, relationnelles, pédagogiques… Et souvent aussi une certaine confiance en soi.
Même si ça ne fait pas officiellement partie du cursus, ce serait utile de mieux le valoriser : par exemple à travers des partenariats avec les filières pédagogiques, ou au moins en en parlant davantage dans les écoles supérieures, pour encourager les étudiants à s’y engager. Ce type d’expérience mérite d’être reconnu, justement parce qu’il est en dehors du cadre académique strict. »
■ En ce mois de juin sous le signe des examens, que peut-on te souhaiter ? Que souhaites-tu dire aux élèves, enseignants et étudiants qui te lisent ?
Célia : « On peut me souhaiter un peu de calme dans cette période parfois stressante, et aussi assez de recul pour ne pas laisser les examens prendre trop de place, que les résultats soient bons ou pas. Je crois qu’on est beaucoup à ressentir à quel point cette période peut nous faire douter, en ramenant parfois tout à une note, qui ne dit finalement pas tout sur ce qu’on a vraiment appris de la matière.
À celles et ceux qui se retrouvent dans les mêmes conditions, je souhaite du courage mais aussi un peu de recul. On mérite tous d’être reconnus autrement qu’à travers une grille d’évaluation. Apprendre, ce n’est pas juste performer à un instant T, c’est aussi douter de soi-même, essayer, évoluer…
Aux enseignants, et c’est aussi un rappel que je me fais à moi-même, je dirais que c’est important de garder en tête que l’évaluation, telle qu’on la fait, ne reflète pas toujours ce que les élèves savent vraiment. Parfois, ils ont compris, mais ils stressent, ils perdent leurs moyens, ou ils n’arrivent pas à formuler leurs idées comme il faut sur le moment. Et puis parfois, les questions ne sont pas non plus les plus adaptées pour voir ce qu’ils ont réellement compris. À l’inverse, une bonne note ne veut pas toujours dire qu’ils ont tout compris. Évaluer, c’est utile, bien sûr. Mais ça ne devrait pas être notre seule façon de regarder un élève. »
■ Si tu étais un changement positif dans les écoles, lequel serais-tu, et pourquoi ?
Célia : « Il y aurait tellement de choses à changer pour que l’école cesse de creuser les inégalités scolaires, et qu’elle devienne vraiment un lieu où chaque enfant peut s’épanouir, apprendre avec curiosité, et se sentir à sa place.
Mais si je devais n’être qu’un seul changement positif, c’est celui qui me vient en premier : je serais une autre façon de penser l’évaluation. Une évaluation plus formative et bienveillante, qui reconnaît les progrès, le cheminement, et non pas uniquement le résultat final. Parce que réduire l’apprentissage à une note figée, ça n’a pas beaucoup de sens à mes yeux. Apprendre c’est un long processus.
J’imaginerais une évaluation qui soutient, qui guide, qui donne envie d’avancer, plutôt qu’une évaluation qui trie. Une évaluation où l’élève peut recevoir un vrai retour sur ce qu’il a compris ou sur ce qu’il pourrait améliorer, au lieu d’un simple chiffre. Où on laisse aussi la place à l’autoévaluation, pour apprendre à mieux se connaître, à mieux apprendre. Même si je n’ai pas toutes les réponses, je suis convaincue qu’on peut faire autrement, j’ai encore plein de choses à apprendre. »